Orpaillage au Mali : comment augmenter les revenus de l'or pour les habitants de Gouandiaka
Un nouveau projet mené au Mali cherche à améliorer la traçabilité des revenus générés par les orpailleurs et à favoriser le développement local.
L’orpaillage se pratique depuis des siècles dans la commune rurale de Gouandiaka, dans la région de Sikasso, au sud du Mali. Cette activité occupe une place prépondérante dans le système socio-économique de la région et constitue un mode de vie pour les communautés qui y vivent.
L’orpaillage est régi par des coutumes, des pratiques et des croyances que toutes les communautés observent et auxquelles elles adhèrent, qu’il s’agisse de communautés locales ou autochtones.
Les effets négatifs sur l’environnement de l’orpaillage sont bien connus, de même que la présence des enfants sur les sites d’orpaillage et les accidents qui se produisent régulièrement sur les sites d’orpaillage. Cependant l’orpaillage reste la principale source de revenus pour les habitants de Gouandiaka.
Lorsque certaines conditions sont réunies, les revenus générés par l’orpaillage peuvent contribuer à l’amélioration des conditions de vie de la population locale. Tel est le cas dans village de Kalako, l’un des 28 villages de la commune de Gouandiaka.
Un système traditionnel de surveillance et de distribution des revenus
À Kalako, les activités d’orpaillage sont régies par les autorités traditionnelles qui ont établi un ensemble de règles. Le respect de ces règles est assurés par des membres de la communautés désignés par les autorités traditionnelles et qui portent le nom de Tombolomas.
Les Tombolomas assurent la sécurité et veillent à ce que les propriétaires des sites versent au village 10 % des revenus qu’ils tirent de l’orpaillage. Les revenus générés sont alloués selon une grille de répartition convenu par le village.
La moitié des revenus est versée aux propriétaires des sites d’orpaillage. L’autre moitié est utilisée pour réaliser des projets sociaux dans le village, pour payer les Tombolomas et pour restaurer d’anciens sites d’orpaillage.
À Kalako, les revenus générés par les activités d’orpaillage ont servi à financer plusieurs projets de développement local, notamment la construction d’un pont et d’un château d’eau, l’achat de quatre moissonneuses-batteuses (deux pour le riz, deux pour le maïs), la construction de six salles de classe dans l’école locale et la rémunération des enseignants.
Améliorer la traçabilité de l'or pour générer plus de revenus
Malgré la présence des Tombolomas sur les sites d’orpaillage, une part importante des produits de l’orpaillage échappe au circuit de collecte instauré par le village.
Bien que les Tombolomas soient nombreux, ils ne sont pas en mesure de surveiller en permanence les sites d’orpaillage et la production. Certains orpailleurs ne déclarent pas la totalité de l’or qu’ils extraient, et ce afin d’échapper à l’impôt du village.
L’amélioration de la traçabilité de l’or, c’est-à-dire le suivi de son parcours depuis la mine jusqu’au consommateur, permettrait d’augmenter les revenus des villages miniers.
À Gouandiaka, un consortium d’ONG dont fait partie la Fondation pour le Développement du Sahel (FDS), la coalition malienne Publiez Ce Que Vous Payez (Publish What You Pay) et IIED s’efforce d’améliorer la traçabilité des activités d’orpaillage.
Le projet Greater Value for Gold soutenu par le Partenariat Européen pour les Minerais Responsables (EPRM) (en anglais) a pour objectif de doter les communautés rurales du Mali qui dépendent de l’orpaillage et plus particulièrement celles de la commune de Gouandiaka, des outils nécessaires pour que l’orpaillage soit un véritable levier de développement local.
Le projet entend aider les orpailleurs et les autorités locales à mettre en place des centrales d’achat d’or artisanal. Ces centrales auront pour mission d’empêcher la commercialisation frauduleuse d'or des mines et de contribuer à l’augmentation des revenus pour les villages et les orpailleurs artisanaux.
Le projet encourage également les orpailleurs et les autres parties prenantes de la chaîne de valeur de l’or artisanal à adopter de bonnes pratiques. En effet, il s’agit par exemple d’éliminer l’utilisation de produits toxiques comme le mercure dans les sites miniers, de s’assurer que les revenus de l’or ne contribuent pas au financement de groupes armés, de réduire les impacts négatifs sur l’environnement et, enfin, d’engager des réformes au niveau national pour améliorer la gouvernance du secteur minier artisanal.
Actions convenues
Les représentants des parties prenantes au projet se sont réunis fin 2023 pour identifier les actions qui permettraient d’améliorer la traçabilité de l’or artisanal et de mieux répartir les revenus issus de son exploitation.
En voici quelques unes :
- Désigner des représentants de la commune de Gouandiaka pour se rendre dans la commune voisine de Masioko afin de profiter de leur expérience en matière de création et de gestion d’une centrale d’achats.
- Une plus grande implication des associations de femmes dans la commune pour s’assurer que ces dernières puissent participer pleinement aux discussions sur le projet.
- Former les Tombolomas aux bonnes pratiques environnementales et à la traçabilité de l’or artisanal. Les Tombolomas pourront ensuite transmettre ces connaissances à de nombreux orpailleurs.
- Impliquer les associations d'acheteurs d'or artisanal dans les discussions concernant la mise en place de comptoir d’achat, de sorte qu'ils puissent travailler ensemble pour résoudre les éventuels goulots d'étranglement.
- Sensibiliser les orpailleurs et les acheteurs travaillant à Gouandiaka afin d’obtenir leur soutien au projet de création d’une centrale d’achats et faire adopter les bonnes pratiques en matière d’extraction et de commercialisation de l’or artisanal.
- Mettre à jour le registre communal des orpailleurs et des acheteurs d’or exerçant à Gouandiaka afin d’améliorer le suivi et de faciliter la mise en œuvre des initiatives de sensibilisation sur les enjeux et les défis liés à l’orpaillage.
Il est attendu des actions identifiées par les participants à la rencontre, qu’elles contribuent à faire de l’orpaillage un facteur de croissance et le développement de la commune de Gouandiaka. Croissance et développement qui se traduiraient notamment par l’amélioration
des infrastructures routières existantes et la construction de nouvelles pour faciliter la circulation des personnes et de leurs biens, l’amélioration de l’accès aux soins de santé, à l’éducation et à l’électricité.
Au cours des prochains mois, nous vous tiendrons informé de la mise en œuvre des mesures convenues par la communauté de Gouandiaka et le consortium du projet.
Nous remercions Eric Bisil pour ses contributions à ce blog.