Octroi de subventions pour des actions menées au niveau local : points de vue des défenseurs nationaux
Les défenseurs nationaux de l'Ouganda, de la République démocratique du Congo (RDC) et du Cameroun réfléchissent à la manière dont leur leadership dans l'initiative de petites subventions du People and Conservation Learning Group (PCLG) a eu un impact sur l'accès des acteurs locaux au financement. Nous appelons d'autres bailleurs de fonds à adopter cette approche pour canaliser davantage de fonds vers le niveau local.
Les approches locales étant de plus en plus reconnues comme essentielles en vue d’obtenir des résultats pour la nature, le climat et la population (en anglais), la pression se fait de plus en plus forte sur les bailleurs de fonds et les intermédiaires (en anglais) pour qu'ils apportent au niveau local des financements conçus, mis en œuvre et contrôlés par les peuples autochtones et les communautés locales. Cette question sera au cœur des négociations internationales de cette année sur la biodiversité et le climat, qui porteront toutes deux sur le financement, la mobilisation des ressources et le soutien aux actions menées au niveau local.
Les financements actuels en faveur du climat et de la nature sont notoirement difficiles d'accès (en anglais) pour les communautés locales, et les recherches indiquent que seuls 10 % des financements mondiaux (en anglais) pour le climat atteignent les acteurs locaux. Les exigences contraignantes en matière de candidature et de rapports, les procédures strictes de diligence financière et les interminables exigences d'accréditation ne tiennent pas compte des réalités des communautés locales (en anglais) qui se trouvent en première ligne des crises naturelles et climatiques.
En conséquence, beaucoup sont exclus de l'accès au financement : sans compte bancaire, sans accès facile à Internet ou sans l'anglais comme première langue, ils ne répondent souvent pas aux critères de base des bailleurs de fonds.
Initiative de petites subventions du PCLG
En 2023, par l’intermédiaire du People and Conservation Learning Group (PCLG), avec le soutien de la Fondation Arcus, l'IIED a conçu et mis en œuvre une initiative de petites subventions pour financer les liens entre les populations et la conservation dans les États de l'aire de répartition des grands singes de l'Ouganda, de la RDC et du Cameroun. L'initiative a expérimenté une nouvelle façon d'octroyer des subventions afin de mieux répondre aux besoins locaux et de placer les acteurs locaux au centre de la prise de décision et de l'appropriation de la manière dont l'argent est dépensé.
En tant que l'une des plus de 120 organisations soutenant les principes de l'adaptation menée localement (LLA) (en anglais), nous avons reconnu notre propre responsabilité d'intégrer les principes dans notre travail et de les appliquer concrètement au processus d'octroi de subventions du PCLG.
La collaboration avec des défenseurs nationaux dans chaque pays était au cœur de ce travail. Des représentants locaux qui comprennent les priorités locales en matière de conservation des grands singes se sont chargés de faire connaître l'initiative, d'examiner les demandes, de décider avec l'IIED des organisations à financer et de communiquer directement avec les bénéficiaires. Nous partageons ici quelques-uns de leurs commentaires sur l'approche de l'octroi de subventions.
Brian Atuheire, défenseur national en Ouganda
« En tant que défenseur national du PCLG, j'ai pu soutenir et superviser les organisations qui ont reçu un financement en Ouganda. C’était une innovation brillante, car je pouvais facilement appeler les bénéficiaires, il n'y avait pas de décalage horaire et je pouvais relever les défis locaux directement avec eux. Mon rôle a permis aux voix locales de se faire entendre et j'ai pu prendre des décisions en tenant compte des priorités de la communauté locale.
« À mon avis, le principal défi qui reste à relever pour les bénéficiaires en Ouganda est que les subventions versées étaient modestes et ne pouvaient durer que peu de temps. Comme il n’y a pas de financement récurrent, les répercussions positives des activités financées sont de courte durée. J'espère qu'à l'avenir nous pourrons trouver un financement plus continu afin d'avoir un impact plus important et d'atteindre plus d'organisations locales qui font un travail méritoire pour protéger les grands singes. »
Timothée Emini, défenseur national au Cameroun
« J'ai été ravi d'assumer le rôle de défenseur national du PCLG au Cameroun. L'approche expérimentée cette année a permis de financer directement des organisations locales, de simplifier le processus et d'adapter les subventions au contexte local. Il s'agissait d'une procédure légère et facile et d'un changement de paradigme dans lequel les aspirations de la communauté ont été placées au premier plan de la mise en œuvre du projet.
« Cette expérience montre qu'il est possible de simplifier les procédures d'octroi de subventions et de les rendre plus accessibles aux organisations communautaires, qui accomplissent un travail considérable et ont besoin d'un soutien financier. Les critères d'éligibilité des financements internationaux devraient aller plus loin pour reconnaître les connaissances et les compétences locales.
« Le principal défi auquel nous avons dû faire face au Cameroun était le retard des paiements aux bénéficiaires. Aucune des organisations ne disposant d'un compte bancaire, j'ai joué le rôle de parrain fiscal, ce qui nous a permis de leur transférer des fonds. Néanmoins, cela a entraîné plusieurs retards, ce qui a fait perdre aux bénéficiaires leur confiance dans le processus, et ils ont manqué le moment le plus propice pour mettre en œuvre certaines de leurs activités. »
Dominique Bikaba, défenseur national en RDC
« La complexité de l'accès aux fonds des grands donateurs n'a pas facilité l'accès au financement des initiatives menées au niveau local. L'IIED a permis aux organisations communautaires d'accéder à un financement direct et de réaliser les activités et les objectifs qu'elles avaient définis au niveau local.
« En tant que défenseur national du PCLG en RDC, j'ai aidé quatre organisations communautaires autour du parc national de Kahuzi-Biega et de la réserve naturelle d'Itombwe à accéder à un financement direct. Les résultats qu'ils ont obtenus en peu de temps et l'impact qu'ils ont eu sur le bien-être et l'engagement des populations locales en faveur de la conservation des grands singes auraient nécessité plusieurs mois en raison de la bureaucratie des bailleurs de fonds. Des populations autochtones Batwa à Nyamukubi aux membres des communautés forestières à Oku en passant par les communautés locales à Mwenga, leur enthousiasme et leur engagement pour atteindre leurs objectifs étaient fascinants.
« Malheureusement, ces excellentes subventions ne durent pas toujours longtemps. J'espère que d'autres initiatives de ce type pourront être lancées à l'avenir sur le long terme. »
Appels à l'action
Les réflexions des défenseurs montrent que ces changements ont eu un impact significatif sur l'accès au financement. Leur leadership a été crucial pour la réalisation de cette initiative, et nous recommandons ce modèle à d'autres bailleurs de fonds qui envisagent de modifier leurs processus afin de canaliser davantage de fonds vers le niveau local.
Mais plusieurs défis restent à relever. Les petites subventions ponctuelles ne peuvent pas répondre au besoin d'un financement patient et continu – qui est au cœur des principes LLA – et un financement à plus long terme est nécessaire au niveau local. Le système bancaire international doit également répondre aux besoins de la population mondiale non bancarisée (en anglais) et offrir des moyens rapides, faciles et inclusifs de transférer de l'argent à tous.
Nous encourageons également toutes les organisations à se joindre à nous en approuvant les principes LLA (en anglais) et en les intégrant dans leurs méthodes de travail. Nous invitons les autres bailleurs de fonds et intermédiaires à repousser les limites de leurs subventions afin de permettre des actions menées au niveau local. Ainsi, que vous obteniez déjà un financement au niveau local, que vous souhaitiez en savoir plus ou que vous souhaitiez simplement rester informé sur ces questions, n'hésitez pas à nous contacter à l'adresse suivante : [email protected] et à nous faire part de vos expériences.
Auteure
Nicola Sorsby ([email protected]) est chercheur dans les groupes de recherche de l'IIED sur les ressources naturelles et les changements climatiques.