Le barrage de Fomi peut catalyser la réforme foncière en Guinée
Les représentants des ministères de l'Énergie et de l'Hydraulique, de l'Agriculture, et de la Ville et de l'Aménagement du Territoire se réuniront à Conakry les 4 et 5 mars pour parler de réformes visant à régir l'expropriation foncière et la compensation des exploitants familiaux affectés par les grands projets infrastructurels d'utilité publique.
L'atelier de deux jours, organisé par le ministère de l'Énergie et de l'Hydraulique avec le soutien du programme Afrique de l'Ouest de la Global Water Initiative (GWI), se concentrera sur les réformes législatives et administratives nécessaires dans le contexte de la construction prévue du barrage de Fomi dans le bassin supérieur du fleuve Niger. Des représentants des autorités locales, de la société civile et des bailleurs de fond participeront également aux discussions de l'atelier.
Prendre en compte le développement local autant que national
On estime à 48 000 le nombre de personnes qui seront déplacées par la construction de ce barrage et quelque 70 000 résidents des communautés hôtes devront partager leurs ressources avec les nouveaux arrivants. Les enjeux sont donc de taille pour la Guinée, et il faudra tirer les leçons du passé. À travers l'Afrique de l'Ouest, les communautés locales qui vivent près des barrages, comme celui de Kainji au Nigeria ou celui d'Akosombo au Ghana, continuent de connaître des frustrations intergénérationnelles tout en revendiquant de meilleures conditions de vie.
Toute réforme qui sera entreprise à la suite de l'atelier de Conakry devra non seulement tenir compte des impacts immédiats sur les personnes affectées par le barrage de Fomi, mais aussi examiner comment sont gérées les procédures d'expropriation foncière et de compensation à travers le pays.
L'expérience d'autres grands barrages dans la région a montré à maintes reprises que les communautés doivent être consultées tout au long du processus de développement des projets. Elles doivent non seulement être compensées pour la perte de leurs terres et de leurs moyens de vie mais aussi pouvoir tirer des bénéfices directs des barrages sur le long terme.
Des lacunes au niveau juridique
Depuis 2013, la GWI et la direction générale (DG) du projet Fomi travaillent avec une équipe multidisciplinaire d'experts afin d'identifier les obstacles législatifs et administratifs à la réinstallation et la compensation des communautés affectées par le barrage.
L'analyse du système juridique a identifié plusieurs points faibles, y compris un manque de clarté et de cohérence dans le code foncier et domanial concernant la manière de procéder aux expropriations pour cause d'utilité publique, et peu de procédures formelles pour une application uniformisée des expropriations. On constate également un manque de clarté concernant les approches permettant l’identification des droits coutumiers à compenser et les commissions foncières, qui sont chargées de superviser les procédures d'expropriation au niveau local, ont été suspendues.
Les expropriations planifiées à Fomi ne disposent pas encore d'arguments juridiques suffisamment solides pour pouvoir garantir leur succès. Une bonne compensation et une sécurisation des droits fonciers dans les zones de réinstallation sont absolument essentielles pour permettre le rétablissement effectif des moyens d'existence.
Les attentes et les espoirs des populations de Fomi
Les communautés locales qui seront touchées par le barrage ont été consultées lors d'une réunion à Kankan en juillet 2014. Dans l'ensemble, elles se sont plutôt déclarées en faveur du projet de barrage mais préoccupées à l'idée de devoir quitter leurs terres et par un avenir incertain.
Selon Jean-Édouard Sagno, président de la Coordination Nationale des Usagers du Bassin du Niger en Guinée : « La sécurisation foncière ne se fait pas juste sur papier, il faut que la confiance soit établie entre les acteurs et que le processus soit basé sur les besoins des populations locales sur le long terme ».
Vers une feuille de route pour l'expropriation foncière et la compensation juste
En remédiant à ces lacunes législatives et administratives, dans une démarche de concertation inclusive, on pourra éviter les conflits sociaux tout en sécurisant les moyens d'existence. Les organisateurs de l'atelier s’attendent à ce que les débats de Conakry débouchent sur une feuille de route permettant aux ministères concernés d'élaborer une procédure claire et solide pour l'expropriation et la compensation juste des populations affectées dans le contexte des grands projets d'infrastructures.
Le directeur général du Barrage Fomi (Niandan) confirme de son côté tout l'intérêt d'une telle démarche : « Nous sommes ravis que les ministères de la Ville et de l'Aménagement du Territoire et de l'Agriculture, qui sont les plus étroitement impliqués dans la gestion du foncier tant en milieu urbain qu’en milieu rural, prennent part à ces discussions. Le ministère de l'Énergie et de l'Hydraulique se réjouit de travailler avec eux en vue de renforcer le cadre juridique, avec pour objectif final la sécurisation des droits fonciers des populations affectées par les infrastructures à fort impact sur la vie de nos communautés.»
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