La riziculture irriguée à grande échelle: l'État doit prendre en compte les perspectives des paysans

Le programme régional de la Global Water Initiative (GWI) en Afrique de l'Ouest publie aujourd'hui un nouveau rapport qui souligne l'importance de prendre en compte les perspectives des paysans dans les politiques d'Etat afin d'assurer la sécurité alimentaire et un retour sur les investissements dans les projets de riziculture à grande échelle.

News, 03 June 2014
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Global Water Initiative – Afrique de l'Ouest
La Global Water Initiative a cherché à améliorer la sécurité alimentaire mondiale en permettant aux agriculteurs de mieux accéder, gérer et utiliser les ressources en eau pour une production agricole durable
Women smallholders replanting rice in the irrigated area around the Bagré dam in Burkina Faso (Photo: Barbara Adolph/IIED)

Women smallholders replanting rice in the irrigated area around the Bagré dam in Burkina Faso (Photo: Barbara Adolph/IIED)

Ce rapport est basé sur la recherche récente menée par la GWI sur la riziculture irriguée à grande échelle au Mali, au Sénégal et au Burkina Faso. Afin de partager les résultats de cette recherche et de lancer le débat parmi les acteurs concernés, deux ateliers auront lieu cette semaine à Bamako, au Mali: le premier sur le thème de la sécurisation du foncier irrigué et le deuxième sur le thème du conseil agricole.

L'atelier sur le foncier irrigué, organisé dans le cadre d’un partenariat entre la GWI, le Comité inter-états pour la lutte contre la sècheresse au Sahel (CILSS)l'Association Régionale pour l'Irrigation et le Drainage (ARID) et la Coalition internationale pour les questions foncières (ILC), a été ouvert lundi matin et a réuni les principaux acteurs impliqués aux niveaux national et régional. Pour les producteurs dans les périmètres irrigués ici au Mali, ainsi qu'au Sénégal, au Niger et au Burkina Faso, l'accès au foncier sécurisé est essentiel, non seulement pour permettre aux plus performants de se développer davantage, mais aussi pour aider les groupes les plus vulnérables – tels les femmes et les jeunes – à se sortir de leur situation de précarité.

Spécialisation ou diversification?

Le rapport publié cette semaine par la GWI montre la divergence importante entre, d'un côté, la politique agricole de l'Etat – autrement dit la 'spécialisation' – qui priorise l'augmentation de la production pour satisfaire la sécurité alimentaire nationale par la monoculture du riz, souvent à travers la promotion de l’agrobusiness. Et de l’autre côté, l’approche des exploitations familiales ou des petits producteurs.

Les exploitations familiales, bien que n'ayant pas toutes les mêmes caractéristiques ou ressources, partagent en général une autre stratégie: celle de la 'diversification'. La production du riz peut jouer un certain rôle dans leurs visions du futur comme moyen d'existence, mais elle est associée à d'autres activités telles que l'élevage, la culture pluviale d'autres céréales ou légumes, et l’orpaillage. Cette diversification leur permet de réduire les risques liés aux changements économiques ou climatiques, mais ne conduit pas forcément à l'augmentation de la production telle que souhaitée par l'État.

Soutenir les exploitations familiales pour assurer le développement local

Le rapport de la GWI conclut que ce décalage entre les deux logiques a un impact négatif non seulement sur le fonctionnement des aménagements hydro-agricoles, et donc par conséquent sur l'autosuffisance alimentaire, mais aussi sur les producteurs les plus pauvres. Selon Jamie Skinner, directeur de la Global Water Initiative en Afrique de l'Ouest: "il faut chercher à concilier les objectifs de l'État et ceux des paysans en renforçant les mécanismes de redevabilité mutuels, et en soutenant l'implication d'organisations représentatives des producteurs dans les processus décisionnels".

Le rapport souligne également qu'il n'existe guère de données qui indiquent que le modèle agrobusiness soit plus productif que les exploitations familiales, mais qu'en revanche il existe des exemples concrets qui montrent que celles-ci peuvent être très performantes. Ceci à condition qu’elles aient accès notamment aux financements, au foncier sécurisé, et au conseil agricole adapté à leurs besoins.

La GWI espère qu'à partir des conclusions tirées de cette analyse, ainsi que des discussions qui auront lieu cette semaine à Bamako, un débat de fond sera initié jusqu’aux décideurs dans les pays de la région; un débat qui en fin de compte doit mener à des politiques concrètes qui prennent en compte les perspectives des paysans et soutiennent leurs moyens de vie.



Le rapport est disponible en ligne.