La nouvelle loi minière du Mali : une amélioration, mais pas pour les artisans miniers

Les réformes minières au Mali, longtemps attendues, sont enfin apparues. Le code, qui mélange des mesures progressives et dépassées, doit être soumis à l'examen du parlement avant d’avoir valeur de loi. Nous évaluons l’importance de trois aspects de la législation.

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Ahamadou Mohamed Maiga est consultant pour l'IIED dans le domaine des ressources extractives et des énergies ; Brendan Schwartz est chercheur senior au sein du groupe de recherche sur les ressources naturelles de l'IIED
08 October 2019
Artisanal miners of Mali

Artisanal miners of Mali (Photo: MOISESFOCUS, Creative Commons via Wikimedia)

Malgré de longs préparatifs, beaucoup ont été surpris par l'adoption de la nouvelle loi minière malienne par ordonnance en août. La prochaine étape est l'examen parlementaire, qui devrait donner lieu à des révisions supplémentaires avant qu'une version finale ne soit approuvée. Cela crée une opportunité de renforcer davantage son contenu.

Un article de presse publié par l’agence Reuters s’interrogeant sur le projet de réforme minière au Mali fait état d’un nouveau cas de « nationalisme des ressources » (en anglais seulement). En fait, une grande partie du contenu était basée sur les conseils technocratiques du FMI et de la Banque Mondiale – des institutions généralement peu associées à des attaques gouvernementales contre des sociétés minières multinationales. 

Tout en mettant de côté le grand débat d’économie politique, nous voulons nous arrêter ici sur les domaines couverts dans notre précédent article, dont : la maximisation des recettes fiscales, l'exploitation minière artisanale et le fonds de développement local. 

Accroître les revenus  

L'augmentation des recettes minières constitue un objectif fondamental de la présente réforme. En 2016, le gouvernement n'a pu saisir que 24 % (PDF) de la valeur des exportations d'or dans les recettes minières, entravée par des exonérations fiscales libérales, une dépréciation accélérée et l'absence d'un mécanisme fiscal permettant de taxer les « super-profits ».  

La nouvelle loi répond relativement bien à ces défis. Nous pensons que les mesures suivantes incluses dans la réforme permettront d’améliorer sensiblement les recettes de l’Etat sans effets dissuasifs significatifs pour les investissements miniers :

  • La réduction de 15 à 3 ans de la période d'imposition à taux réduit des bénéfices des sociétés ;
  • La suppression des exonérations de TVA pendant la production minière ;
  • L’introduction d'une nouvelle taxe exceptionnelle sur la rente minière (bien que les mécanismes d’application ne soient pas encore clarifiés dans le projet de réforme adopté) et ;
  • Le plafonnement de la durée de la « stabilisation fiscale » à 10 ans.

Cependant, cette durée fixe de 10 ans reste un délai généreux pour la stabilisation. En effet, le FMI estime que tous les projets miniers industriels actifs au Mali ont une période de retour sur investissement de moins de 10 ans (PDF, en anglais seulement), la plupart étant de 5 ans.

D’ailleurs, certains pays, comme le Cameroun (PDF), prévoient ce mécanisme d’application de la garantie de stabilité fiscale basée sur le retour d’investissement prévu dans l’étude de faisabilité. Cela pourrait théoriquement produire des résultats plus équitables pour les entreprises et les gouvernements. Mais l'établissement des coûts réels et le calcul de la taxe sont complexes. Le Mali a fait le choix de la simplicité plutôt que de risquer de se heurter à la réticence des sociétés minières.

Le projet de réforme minière contraste également avec l'approche adoptée en République démocratique du Congo, qui prévoit le principe de rétroactivité de la garantie de stabilité aux sociétés minières en cours d’exploitation. Au Mali, les modalités fiscales initiales des projets miniers actuels seront maintenues, et l'augmentation des revenus devra donc peut-être attendre que de nouvelles mines commencent à produire.

Toutefois, ce choix législatif pourrait également créer des différends entre le Mali et les investisseurs miniers. Les clauses de stabilisation contenues dans les lois minières antérieures pourraient être interprétées comme permettant l’application de nouvelles réglementations fiscales aux mines existantes. Alors que le fait de générer immédiatement plus de revenus miniers pourrait tenter un gouvernement aux ressources limitées, le Mali a récemment perdu un différend fiscal dans le cadre d'un arbitrage international avec une société minière et craint de provoquer d'autres différends.

Par conséquent, une solution négociée, par laquelle le gouvernement et les entreprises acceptent volontairement d'adapter les règles fiscales applicables à l'évolution du contexte économique, serait le meilleur résultat pour éviter des différends prolongés.

Qu'en est-il des mineurs artisanaux ?

Certains rapports estiment le nombre d’orpailleurs au Mali à plus de 200 000, ce qui fait du secteur l’un des plus pourvoyeurs d’emplois. 

Le gouvernement souhaite formaliser l'exploitation minière artisanale afin de contrôler où se situent les sites d’exploitation, d’avoir plus de recettes fiscales, et de réduire les impacts environnementaux et le travail des enfants. Mais les artisans étant régulièrement déplacés en faveur de grands investisseurs, il existe une méfiance à l'égard du gouvernement et on perçoit peu d'avantages à se plier à la loi. 

Nous avions proposé dans un précédent article que les artisans miniers bénéficient d’un droit exclusif d’exploitation effectif, similaire aux droits octroyés aux sociétés multinationales.  Les artisans jouissant de tous les droits des investisseurs peuvent ainsi être invités à assumer des responsabilités sociales, environnementales et fiscales similaires, proportionnelles à leurs projets. 

Au contraire, il est décevant de constater que la nouvelle législation choisit d'offrir aux sociétés minières industrielles la possibilité de formaliser la présence des artisans dans leurs concessions (plutôt que de les déplacer). Cela ne répond pas de manière adéquate au problème plus large et enraciné, mais l'examen parlementaire peut encore être employé pour renforcer les droits des nombreux mineurs artisanaux du Mali. 

Le financement du développement local

La nouvelle législation établit un fonds minier pour le développement local, alimenté par l’État du Mali à hauteur de 20 % à partir des redevances collectées sur la production d’or (établies à 3 % de la valeur de l’or produit), et par les sociétés industrielle à hauteur de 0,25 % de leur chiffre d’affaires hors taxes. 

Des données récentes (PDF) suggèrent que le fonds pourrait engranger 11,5 millions de livres sterling par an, soit plus du double des recettes minières actuellement allouées au niveau local. Ce chiffre dépend toutefois de la volonté des mines existantes de contribuer au fonds.

Nous sommes prudemment optimistes. Le Mali rural a cruellement besoin d'investissements ; ce fonds pourrait financer de nombreux services publics. Le projet de réforme contient également des dispositions intéressantes en matière de transparence. Il est par exemple prévu que le ministère des Finances publie des rapports détaillés sur la gestion des fonds miniers locaux dans les six mois suivant la clôture de l'exercice.

Toutefois, la réalisation de l'équilibre entre la gestion centrale et la gestion décentralisée du fonds ne se fera pas sans obstacles. Les réformes exigent ainsi que la gestion du fonds local soit effectuée par des comités du gouvernement central ; les réglementations futures détailleront leur composition et leur mission. 

Il est encore possible de promouvoir la gestion équitable du fonds de développement, s’il est conçu pour :

  • Déléguer le pouvoir de prise de décision aux collectivités locales ;
  • Empêcher la capture des fonds par les élites ; et
  • Maintenir les coûts d'opération au plus bas afin que la majorité des fonds soit réellement consacrée au développement local.

Enfin, la loi pourrait bénéficier d’un mécanisme permettant d’étaler les paiements aux localités sur plusieurs années, évitant ainsi les cycles de prospérité et de récession lors de la fermeture des mines.

Affaire à suivre

En fin de compte, ce sont les institutions maliennes qui détermineront le mode de mise en œuvre des réformes et leur transformation en changement de société. Le rôle de l’industrie minière dans le parcours sociopolitique du pays sera intéressant à suivre dans les années à venir.

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Ahamadou Mohamed Maiga est consultant pour l'IIED dans le domaine des ressources extractives et des énergies. Brendan Schwartz est chercheur senior au sein du groupe de recherche sur les ressources naturelles de l'IIED.

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